Histoire de VIE(anney): 001
Il fut un temps où j’habitais la banlieue, Laval plus précisément; je me vante rarement d’avoir contribué au fond de retraite du maire Vaillancourt dans ce Sahara de la gastronomie, capitale des grandes chaînes. Ne serait-ce de quelques adresses, l’île Jésus pourrait être considérée comme une ville fantôme, sans âme, où le seul moyen de trouver de la chaleur dans un établissement est de se noyer de « hot shot » garni de crème fouettée commerciale, noble successeur du défunt « Stinger » qui nous aurait fait croire que nous aurions une haleine fraîche en sortant du regretté Fuzzy de Laval aux petites heures du matin.
Voici le topo, voilà ce que j’étais lors de ma première visite au Chien Fumant; j’avais une nouvelle copine possédant des attributs qui auraient fait rougir une Barbie et je voulais désespérément lui montrer à quel point j’étais urbain et raffiné; nous étions en automne, un mardi, il était tard et la quasi-totalité des belles adresses était fermée; un ami me parle du « Chien » et me convainc de braver le pont, en me disant que la cuisine ferme à deux heures du mardi au dimanche inclusivement, que c’est bon, de mentionner son nom, que tout irait bien, bref, il me rassurait.
Nous prenons la route; arrivé à destination, je comprends que la soirée commence bien quand je trouve un stationnement me permettant de ne pas me ridiculiser dans une tentative de parallèle sous le regard de ma flamme de l’époque. En entrant au Chien, je suis un peu perturbé, les plafonds ne sont pas à trente pieds, c’est petit, chaleureux, on se croirait chez un vieil ami, un design et une déco harmonieuse, plutôt qu’aseptisée et rigide; je me surprends à me sentir bien instantanément malgré le choc de culture que le banlieusard en moi était en train de subir.

Crédit photo: Le Chien Fumant
Un accueil en toute retenue de la part d’un des propriétaires, qui avait une prestance de monarque, un air stoïque et envoûtant, bien préférable selon moi a un enthousiasme faussement ressenti digne d’un talkshow médiocre. En mettant la main sur la carte des vins, je me prépare à impressionner ma future ex, le connaisseur en moi était prêt à s’émerveiller devant les doux arômes d’agrumes émanant d’un sauvignon blanc de Nouvelle-Zélande. Sacrilège! Kim Crawford n’étant pas au rendez-vous, j’ai dû me rabattre sur l’inconnu. Le petit chien avait du flair. Avec du recul, quelque années plus tard, je comprends que ceux que j’appelle maintenant mes amis avaient rapidement compris à qui et à quoi ils avaient affaire; on m’a donc rapidement pris en charge, et quelques minutes plus tard, j’avais l’impression d’être un régulier du Chien; le monarque Nicolas avait trouvé, sans artifice et sans fla fla, le moyen d’élever mon statut social au stade de vicomte.

Crédit photo: Le Chien Fumant
Beaucoup trop d’eau a coulé sous les ponts depuis pour que je me rappelle précisément du contenu de mes assiettes en cette soirée. Je pourrais facilement vous parler des classiques intemporels de cette institution, du calmar chinatown qui réussit avec brio à combiner friture et fraîcheur au pork belly donair avec son goût de revenez-y, similaire à l’ancienne relation toxique mais ô combien charnelle qu’on a tous déjà subie et aimée sans trop comprendre. Notez que j’oublie volontairement certains classiques. Ceci n’est pas un texte concernant la bouffe; on parle ici de moments, on parle de la petite tournée de calvados, une petite attention peut-être, mais ô combien appréciée, on parle ici d’un canin, mais pour moi, on a affaire à un caméléon, un resto qui a su me réconforter et se transformer pour s’ajuster à mon niveau au fil de mon apprentissage de « wannabe foodie ».
Petit train va loin ? Non, petit chien va loin.
PS: C’est grâce à des gens comme Nicolas et Maksim que j’ai ouvert le Chasse-Galerie aujourd’hui.
Santé,
Informations:
Adresse: 4710 rue Lanaudière, Montréal, Québec
Heures d’ouverture: Mardi au Dimanche de 6pm – 2am, dimanche aussi ouvert 10am – 3pm (brunch)